La mendicit est le fait de mendier, c'est--dire de demander l'aumne, don charitable fait un pauvre. Le terme dcrit soit l'action soit la condition de celui qui y fait appel et ses formes sont varies
( la porte des glises, dans les moyens de transport, avec l'utilisation d'enfants pour apitoyer, la suite d'une prestation de type artistique - gnralement de la musique - ou de l'offre d'un service - vente d'un journal notamment). Contrairement une confusion frquente, le mendiant n'est pas ncessairement un sans domicile fixe (SDF) et tous les SDF ne sont pas des mendiants tant il y a dans le quart monde une diversit de situations et de pratiques sociales marginales.L'exercice de la mendicit ne constitue plus un dlit depuis l'entre en vigueur du nouveau code pnal au dbut des annes 1990. Cependant, elle peut tre interdite dans certains lieux par des rglements de police pris par le maire, notamment pour des raisons de scurit. Comme les arrts prescrivant le couvre-feu pour les mineurs, l'actualit de ces arrts tend rapparatre avec l't et les villes du sud de la France sont les plus concerns. Ainsi dans les annes rcentes, Montpellier, Nice, Ste, Prades, Colmar, etc., ont pris de tels arrts dont certains ont t annuls par les juges administratifs.
La mendicit sur la voie publique est juridiquement l'utilisation du domaine public pour une finalit particulire. Et comme le commerce ambulant, elle est un type particulier d'utilisation du domaine public pour une activit prive qui ne correspond pas la destination du domaine (circulation des pitons et des vhicules). Elle n'est ni une simple utilisation collective du domaine public, et notamment des voies publiques qui en font partie, libre dans le respect des rgles qui en rgissent l'utilisation. Ni une utilisation privative (c'est--dire exclusive par une personne dtermine), laquelle est soumise autorisation (ex. : installation d'un kiosque journaux). Aussi, dans le cas de la mendicit, l'autorit administrative qui doit veiller la conciliation des diverses utilisations du domaine public et au respect du principe d'galit entre les utilisateurs du domaine public (CE 2 novembre 1956 M. Biberon Leb. p. 403) peut dicter des mesures restrictives.
L'utilisation des pouvoirs de police
La mendicit provoque invitablement les plaintes de particuliers, notamment d'habitants du voisinage incommods, de commerants invoquant la fuite de la clientle et un prjudice commercial, et les lus locaux soucieux de leur rlection, de l'image de leur ville et des recettes touristiques peuvent tre tents de rglementer par arrts.
Or, il n'est pas douteux que les sollicitations peuvent poser des questions d'ordre public : gne ou entrave la circulation des pitons, voire des automobiles; atteintes la tranquillit publique; problmes d'hygine des espaces publics, etc. La tolrance de la population et les autorits l'gard des solliciteurs est subordonne au fait que ceux-ci n'apparaissent ni agressifs ni menaants.
Alors mme si en matire de police, la formule souvent rappele est la libert est la rgle, la restriction de police l'exception, des maires sont tents d'dicter des arrts en mettant en avant des atteintes l'ordre public.
Juridiquement, les maires des communes disposent en vertu du code gnral des
collectivits territoriales (CGCT) de la possibilit de contrler l'exercice de la
mendicit dans leur commune en utilisant leurs pouvoirs de police sur le fondement de
l'art. L. 2212-2 de ce code. En effet, cet article assigne la police administrative la
fonction d'assurer le bon ordre, la sret, la scurit et la salubrit publiques.
Plus prcisment, il indique que cette police comprend notamment : 1 Tout ce qui
intresse la sret et la commodit du passage dans les rues, quais, places et voies
publiques ...
2 Le soin de rprimer les atteintes la tranquillit publique telles que les rixes
et disputes accompagnes d'ameutement dans les rues, le tumulte excit dans les lieux
d'assemble publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage,
les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature
compromettre la tranquillit publique ;
3 Le maintien du bon ordre dans les endroits o il se fait de grands rassemblements
d'hommes, tels que les foires, marchs, rjouissances et crmonies publiques,
spectacles, jeux, cafs, glises et autres lieux publics.
Le non respect de ces rglements de police est sanctionn par l'art. R. 610-5 du code pnal, c'est--dire par les amendes prvues pour les contraventions de premire classe dont le montant s'lve 250 F aux termes de l'art. L.131-13 du code pnal (au 30 juin 2001).
Conditions de lgalit
La lgalit des arrts municipaux d'interdiction de la mendicit est soumise aux mmes conditions que les autres mesures de police administrative. Elle est subordonne la conciliation avec les autres liberts et principes et les mesures doivent tre proportionnes aux risques de troubles l'ordre public. En principe, les interdictions gnrales et absolues sont suspectes d'tre illgales mais un des meilleurs spcialistes de droit administratif, Ren Chapus, n'exclut pas que la mendicit puisse faire l'objet d'une interdiction gnrale et absolue si les circonstances l'exigent (Droit administratif gnral, 12me ed., n 937).
Dans une tude consacre aux arrts anti-mendicit, Isabelle Michallet fournit ainsi quelques repres sur les conditions de lgalit des restrictions certains usages des voies publiques (AJDA 2001, p. 325 et suiv.) : la tranquillit publique peut fonder une interdiction de sollicitations abusives des passants par des commerants (CE 11 mai 1934 M. Roblois Leb. p. 546); l'agrment des pitons est un but de la police municipale permettant d'interdire la circulation des vhicules (CE Sect. 8 dcembre 1972 Ville de Dieppe Leb. p. 794) et cela vaut aussi pour une commune touristique (CE 14 janvier 1981 Bougie et autres Leb. p. 15); lgalit de l'interdiction de l'activit des marchands ambulants sur les plages et promenades pour assurer aux usagers - et notamment aux touristes - la commodit et la scurit qu'ils taient en droit d'attendre (CE 23 septembre 1991 Lemonne Leb. p. 314).
Des raisons similaires celles pour lesquelles les juges admettent des limitations au colportage, l'exercice de la profession de photographe-filmeur sur les voies publiques ou d'autres usages des voies publiques peuvent-elles galement fonder des limitations la mendicit ?
Peut-tre pas si l'on considre que les arrts d'interdiction de la mendicit mettant en cause la libert d'aller et venir, de valeur constitutionnelle, et non des liberts de moindre valeur, les incommodits qui peuvent justifier l'interdiction de commerces ambulants, ne sont pas ncessairement suffisantes pour justifier une interdiction de la mendicit, le contrle de proportionnalit entre la mesure de police et les risques d'atteinte l'ordre public devant s'effectuer en tenant compte de la valeur de la libert en cause. Il est vrai que pour de nombreux mendiants, les voies publiques sont fondamentalement des lieux de vie.
En fait, le bilan du contrle juridictionnel de la ncessit des mesures de police en matire de mendicit, est contrast. D'un ct, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est montre favorable une limitation de l'interdiction de la mendicit. Ainsi dans un arrt du 26 avril 1999 Ville de Tarbes, il a jug que : S'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs de police, de prendre des mesures ncessaires pour remdier aux inconvnients que le mode d'exercice de la mendicit peut prsenter pour l'ordre public, il ne pouvait toutefois interdire dans les principales rues, places et lieux publics du centre-ville toute interpellation des passants dans le but de solliciter leur gnrosit, toutes qutes ou attractions ambulantes qui n'auraient pas t autorises, ainsi que le maintien prolong en position allonge, ds lors qu'il ne ressort pas des pices du dossier que l'ventualit des troubles occasionns par de telles activits ou attitudes prsentait un degr de gravit tel que leur interdiction sur l'ensemble des lieux numrs s'avrait ncessaire; le maire de Tarbes ne pouvait par ailleurs interdire de faon gnrale tous comportements constituant une atteinte au droit d'aller et venir d'autrui. De l'autre ct, la Cour administrative d'appel de Marseille s'est montre favorable une interdiction gnrale de la mendicit (CAA 9 dcembre 1999 Commune de Ste n 97MA11654, Commune de Prades n 97MA11358).
Si l'action juridique locale dans sa dimension rpressive peut parfois tre ncessaire, elle ne peut prtendre tre la panace car elle ne traite que les symptmes et risque de seulement dplacer les problmes dans les communes voisines. Rglementer de manire coercitive et sans mnagement aboutirait des formes de bannissement et un traitement inhumain des plus dmunis. L'action prventive contre cette forme de marginalisation est donc indispensable et les diverses lois (lois sur le revenu minimum d'insertion, sur les exclusions, ou sur la couverture mdicale universelle) ont permis de limiter son dveloppement dans un contexte de crise conomique, d'accroissement du chmage et de la prcarisation de catgories plus nombreuses de population.
La mendicit des mineurs pose des questions particulires. Fondamentalement, le rapport aux autres et au monde dans la mendicit habituelle est l'oppos des valeurs ncessaires une citoyennet responsable qui repose sur le sentiment de sa dignit et la capacit penser et agir par soi-mme. La mendicit des enfants est plus grave parce que l'individu est stigmatis par une image de dchance avant mme d'avoir un peu de prise sur sa propre vie. Les diverses allocations et aides, familiales et sociales, et l'obligation scolaire sont des instruments essentiels de prvention et de dissuasion de la mendicit enfantine.
Les dispositions juridiques rpressives, plus globalement la protection judiciaire de la jeunesse, compltent utilement la dissuasion conomique et sociale. Parmi diverses dispositions qui visent rprimer la mendicit des mineurs on peut citer : l'article 227-20 du code pnal qui rprime la provocation d'un mineur la mendicit; l'article L. 261-3 du code du travail qui punit le fait d'employer des mineurs la mendicit habituelle, soit ouvertement, soit sous l'apparence d'une profession. Les peines encourues sont de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende, peines portes trois ans et 500 000 francs si la victime est un mineur de quinze ans.
Les interventions des services de police peuvent galement s'inscrire dans le cadre
des dispositions de l'article 227-17 du code pnal qui permet des poursuites
l'encontre des pre et mre qui ne remplissent pas les obligations lgales de
protection et d'ducation l'gard de leurs enfants et dans celles de l'article 375 du
code civil qui dispose que "des mesures d'assistance ducative peuvent tre
ordonnes si la sant, la scurit ou la moralit d'un mineur non mancip sont en
danger ou si les conditions de son ducation sont gravement compromises ".
Par contre, il semble y avoir un vide juridique quant la prsentation par un mendiant
d'enfants en bas ge cantonns dans un rle purement passif destine provoquer
l'apitoiement des personnes sollicites. Selon la rponse la question crite n
52017 de M. Deprez Lonce du 11/12/2000 (JO p. 7025) sous rserve d'une
interprtation jurisprudentielle contraire, les dispositions rpressives prcdentes
ne paraissent pas devoir s'appliquer.
L'ordre public dans les gares SNCF est une comptence du prfet. La police des tablissements de la SNCF demeure rgie par la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer qui remonte donc presqu'aux origines de ce moyen de transport et par le dcret n 730 du 22 mars 1942 modifi portant rglement d'administration publique sur la police, la sret et l'exploitation des voies ferrs d'intrt gnral et d'intrt local (JO 23 aot 1942). Le pouvoir de police dans les gares SNCF appartient non au maire mais au prfet (art. 6 du dcret prcit du 22 mars 1942 modifi). Si aux termes du nouveau code pnal, la mendicit n'est plus un dlit, elle demeure interdite par l'art. 85 de ce dcret. Au niveau local, des arrts prfectoraux prcisent les rgles de police applicables.
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